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Conseil municipal : dans quelles conditions peut-il tenir séance à huis clos ? (règles générales et application en période de couvre-feu)

Publié le 18 janvier 2021

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Focus rédigé le 18 janvier 2021 / MAJ le 26 mars 2021

 

Seront abordés dans ce focus :

-          Les règles applicables en temps « normal » ;

-          Les règles applicables depuis le 20 mars 2021.

 

Les règles applicables en temps « normal »

Les maires peuvent parfois être tentés de réunir le conseil municipal à huis clos, notamment lorsque les questions qui doivent y être débattues portent sur un sujet polémique, ou pour éviter des manifestations de désapprobation, en cours de séance.

Une réponse ministérielle récente à la question d’un sénateur (Réponse n°09979, JO Sénat, 10 décembre 2020, p.5880) a actualisé les conditions qui permettent la réunion d’un conseil municipal à huis-clos.

http://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ190409979.html

Le sénateur interrogeait la ministre afin de savoir si le fait qu’un dossier soit l’objet de polémiques locales suffit à justifier une telle mesure de huis-clos.

Tout d’abord, il est rappelé qu’en droit, l’article L. 2121-18 du Code général des collectivités territoriales dispose que :

« Les séances des conseils municipaux sont publiques.
Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu’il se réunit à huis clos.

Sans préjudice des pouvoirs que le maire tient de l’article L2121-16, ces séances peuvent être retransmises par les moyens de communication audiovisuelle ».

 

Ainsi, si les séances des conseils municipaux sont, par principe, publiques, des motifs d’ordre public ou de sécurité peuvent justifier une réunion à huis-clos.

Cette exception se justifie par la nécessité d’assurer la sérénité des débats au sein du conseil municipal, les conseillers ne pouvant pas délibérer sous la pression excessive d’un public réuni pour l’occasion.

En effet, dans certains cas, de véritables risques d’intimidation pourraient se révéler, portant atteinte à la démocratie locale, de sorte qu’il serait nécessaire que le conseil municipal se réunisse en l’absence de personnes extérieures.

Toutefois, cette possibilité de réunir le conseil municipal à huis-clos doit nécessairement être limitée, afin qu’elle ne soit pas utilisée par la majorité pour restreindre les droits des élus d’opposition, ni qu’elle empêche les habitants d’assister à certains débats d’intérêt local et, ainsi, d’exercer leur pouvoir de contrôle du bon exercice de la démocratie municipale.

Le risque est, en effet, que la majorité municipale « bâillonne » toute contestation, en décidant la discussion à huis-clos.

Afin de limiter ce risque, cette prérogative accordée à la majorité municipale de réunir le conseil municipal à huis-clos est soumise au contrôle de la juridiction administrative.

Une telle décision peut, ainsi, faire l’objet, de la part d’un conseiller municipal ou de tout habitant de la Commune, d’un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif.

Saisi d’un tel recours, le juge administratif pourra contrôler que la décision de faire siéger le conseil municipal à huis-clos n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, voire d’un détournement de pouvoir.

Le Conseil d’Etat a ainsi décidé d’annuler une telle décision, considérant que les raisons ayant motivé la volonté de la majorité municipale de réunir le conseil à huis-clos n’étaient pas suffisamment sérieuses (19 mai 2004, Commune de Vincly, req. n°248577).

La jurisprudence estime en effet que la décision de recourir au huis clos doit être justifiée par une nécessité d’ordre public, ou par le caractère sensible de l’ordre du jour (Tribunal administratif de Montpellier, 28 juin 2011, Mme Espeut, req. n°1002338).

A défaut d’une telle justification, la mesure de huis-clos illégalement décidé sera annulée, ce qui entraînera, par ricochet, l’annulation des délibérations votées par le conseil municipal.

En toute hypothèse, le Conseil d’Etat a jugé que la circonstance qu’une séance du conseil municipal se déroule à huis clos ne dispense pas de l’obligation de mentionner au procès-verbal de la séance et au registre des délibérations du conseil municipal la nature de l’ensemble des questions abordées au cours de cette séance (27 avril 1994, Commune de Rancé, req. n°145597).

Ce, afin de garantir, a minima, la publicité des questions débattues lors du conseil.

 

Les règles applicables depuis le 20 mars 2021 (couvre-feu à 19h)

Il s’agit de règles provisoires, annoncées par le Premier Ministre le 18 mars 2021, en rapport avec le passage à 19 heures du début du couvre-feu. Ces règles sont applicables dans 16 départements, dont le département du Nord, jusqu’au 19 avril 2021, sous réserve de prorogation éventuelle.

Le II de l’article 6 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 prévoit, jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, que :

« aux fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19,le maire, le président de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ou le président d'un groupement de collectivités territoriales peut décider, pour assurer la tenue de la réunion de l'organe délibérant dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur, que celle-ci se déroulera sans que le public soit autorisé à y assister ou en fixant un nombre maximal de personnes autorisées à y assister. Le caractère public de la réunion est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.

Lorsqu'il est fait application du premier alinéa du présent II, il est fait mention de cette décision sur la convocation de l'organe délibérant ».

Le maire peut donc décider, sans délibération préalable du conseil municipal, que les séances du conseil se dérouleront à huis clos, ou en présence d’un nombre limité de membres du public, pour les réunions ou parties de réunions se déroulant avant 19 heures. Si tel est le cas, mention doit en être faite sur la convocation. Le public, même si le maire n’a pas décidé du huis clos, ne peut assister à une séance du conseil municipal que jusqu'à une heure lui permettant de respecter les horaires du couvre-feu, à savoir être rentré au domicile au plus tard à 19 heures. : il n'y a pas de dérogation à ces horaires pour les séances de conseil municipal.

La présence du public pendant les horaires du couvre-feu, soit après 19 heures, n’est pas possible mis à part pour les journalistes qui couvriraient les séances de l’organe délibérant pour le compte du média auquel ils appartiennent et bénéficieraient donc d’une dérogation pour motif professionnel. Le maire ou le président ne peut donc autoriser l’accès au public des séances de l’organe délibérant que pour les journalistes ou les personnes qui justifieraient d’un motif professionnel pour y assister.

En tout état de cause, le maire ou le président doit organiser la séance de l’organe délibérant dans le strict respect des consignes sanitaires (gel, distance physique, aération et port du masque pour l'ensemble des personnes présentes).

 

A noter aussi

Les mesures prises suite aux déclarations du Premier ministre du 18 mars n’ont pas concerné les conditions de principe concernant la gouvernance des collectivités locales, qui sont toujours régies par la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, article 6.

Le conseil peut donc se réunir dans les mêmes conditions qu’au cours de la période précédente (notamment quorum fixé au tiers au moins des membres en exercice présent, possibilité pour les conseillers de recevoir deux procurations de vote, etc.).

Il peut se réunir ou se poursuivre après le début du couvre-feu (sois 19 heures), mais, dans ce cas, en présence des seuls élus municipaux et des seuls agents dont la présence est nécessaire au bon déroulement de la séance, voire de journalistes.

Ceux-ci doivent alors être munis :

-  pour les élus, de la convocation à la séance, d'une carte d'élu ou d'une attestation du maire certifiant de leur statut d'élu, et, dans le cas où la séance a lieu hors d’un rayon de 10 km autour de leur domicile, d'une attestation de déplacement dérogatoire faisant mention de leur adresse, dont ils auront coché la case 5 : « Convocation judiciaire ou administrative [  ] Déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative, déplacements pour se rendre chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance »

-  pour les agents ayant à se déplacer à plus de 10 km autour de leur domicile, d'une attestation de déplacement professionnel nominatif signé du maire.

 

Concernant le public, il faut distinguer :

-  les journalistes et les personnes ayant un motif professionnel pour assister à la séance ; ils peuvent assister à la séance jusqu’au bout, mais ils doivent être munis,  s’ils se déplacent à plus de 10 km de leur domicile, d'une attestation de déplacement professionnel ;

-  les autres membres du public, même si le maire n’a pas décidé du huis clos, ne peuvent assister à une séance du conseil municipal que jusqu'à une heure leur permettant de respecter les horaires du couvre-feu : il n'y a pas de dérogation à ces horaires pour les séances de conseil municipal.

 

Nous rappelons que :

-  les conditions de déroulement des séances doivent permettre le respect des distances sociales entre les participants ;

-  en application de l'article 6 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre, le quorum pour les séances du conseil municipal est fixé, jusqu'au 1er juin, au tiers des membres en exercice présents ; par ailleurs, un élu peut être porteur de deux pouvoirs;

-  en cas de séance en distanciel (vidéoconférence), le quorum est calculé sur la base du nombre de conseillers participant à la vidéoconférence ; en cas de séance "mixte" (une partie des conseillers participant en présentiel, une autre partie en distanciel), il faut prendre en compte l'ensemble des conseillers participants.

 

 


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